Impossible de comprendre l’art japonais sans connaître l’histoire du fantôme amoureux du Genji ou celle du petit chat qui trahit sa maîtresse. Impossible non plus de décrypter les logos urbains, les enseignes, les noms de rue sans connaître l’histoire d’amour d'Urashima Taro (le pêcheur qui vécut 300 ans dans le Palais sous-marin de sa femme-tortue), la folie d’O-Shichi (qui failli faire brûler Tôkyô par amour) ou la passion de Tomoe Gozen (un des rares samourai-femme de l'histoire, qui allait sur les champs de bataille pour combattre aux côtés de son mari)…
Au Japon, les histoires d'amour constituent l'essentiel du répertoire de la poésie et de la littérature classique, à égalité avec les quatre saisons (qui constituent la plupart du temps un moyen détourné d'avouer son amour).
La culture populaire offre aussi une étonnante palette d’histoires gores, grotesques ou loufoques comme celles de ce médecin qui vers 1880 testa un anesthésiant sur sa femme ou de cette épouse qui transforma une rivale en “sashimi de vulve”. Ces histoires sont connues de tous les Japonais, qui se régalent de tragédies sanglantes au point qu'ils dressent des sanctuaires en l'honneur d'amoureuses : elles sont littéralement "divinisées" dans ce pays qui accorde aux sentiments la première place dans l'échelle des valeurs.
La raison est une qualité beaucoup moins prisée que la passion au Japon, ce qui explique peut-être pourquoi Abe Sada, coupable d’avoir étranglé puis émasculé son amant, est restée gravée dans toutes les mémoires comme une star. Immortalisée par Nagisa Oshima dans son film L’Empire des sens, Abe Sada a réellement existé et d’innombrables curieux cherchent encore à savoir dans quelle ville elle a fini par se cacher pour mourir…
Dans Les Histoires d'amour au Japon, ouvrage de 500 pages compilant et décryptant les cent histoires d'amour les plus connues et les plus révélatrices, il est donc question de ce qui donne du sens à la vie. Qu'est-ce qui émeut les Japonais ? Pourquoi sont-ils bouleversés par les double-suicides, les échecs sentimentaux et les relations platoniques ? Pourquoi les hommes et les femmes de ce pays semblent-ils si éloignés les uns des autres, alors qu'à la télévision les émissions les plus populaires sont systématiquement les plus sentimentales ? Pourquoi considèrent-ils les enka ("chansons à faire pleurer") au romantisme échevelé comme les expressions du "vrai coeur du Japon", le nihon no kokoro ?
Pourquoi ce pays, par ailleurs si avare en congés payés, a-t-il consacré un jour férié à l'équivalent de la Saint Valentin ?
Pour résoudre les contradictions apparentes de cette civilisation qu'on qualifie si souvent de "paradoxale", il me semblait essentiel d'enquêter sur la notion d'amour au Japon, une notion à ce point centrale que la plupart des mes interlocuteurs ont jugé bon de me prévenir : "Ici, l'amour n'existe pas". Après sept mois passés sur le terrain, à rencontrer des artistes, des penseurs, des musiciens, des chercheurs, des acteurs, des anthropologues, j'ai fini par comprendre le sens de cette étrange mise en garde. Effectivement, au Japon, l'amour n'existe pas... tel qu'on l'a idéalisé dans l'Occident monothéiste. Mais alors qu'est-ce que c'est ?
Les histoires d'amour au Japon. Des mythes fondateurs aux fables contemporaines
Editions Drugstore
Collection Beaux Livres
512 pages
Format : 19 x 24,5 cm
Prix public TTC France : 45.00 €
Parution : septembre 2012